4 août 2022
Lauréat du Gala Luminescence 2021 dans la catégorie « Entrepreneuriat », Thibaut Martelain (HEC Montréal 2015) prouve aux plus sceptiques, et ce, haut la main, qu’il est bel et bien possible de réussir en affaires tout en intégrant le développement durable, en réduisant ses gaz à effet de serre (GES) et en respectant des normes ESG (environnementales, sociales et de gouvernance).
Texte tiré de l’article Faire des affaires autrement, HEC Mag, vol. printemps 2022
En fondant Marché SecondLife, une épicerie en ligne qui réduit le gaspillage alimentaire en récupérant des fruits et des légumes frais, mais imparfaits, comme des carottes à deux racines, Thibaut Martelain (B.A.A. 2015) a fait le pari qu’on peut faire de l’argent avec ce que l’on croit que les consommateurs n’aiment pas. Depuis peu, la PME offre même des produits d’épicerie abandonnés pour des raisons esthétiques ou pour des défauts de fabrication ou d’emballage (pâtes alimentaires légèrement difformes, vinaigrettes quelque peu modifiées, etc.).
Il s’agit d’un marché au potentiel énorme, car 20 à 30 % de ce qui est produit dans les fermes aboutit dans les champs comme engrais ou – pire – aux ordures.
Pourtant, SecondLife a vu le jour un peu par hasard. « Comme j’aspirais à me lancer en affaires, j’avais pris un cours d’entrepreneuriat dans le cadre de mon B.A.A., raconte Thibaut, qui est arrivé de France à 19 ans pour étudier à HEC Montréal. J’avais été sensibilisé aux questions environnementales, notamment par mes parents. En 2014, c’était l’année de la lutte contre le gaspillage alimentaire en Europe. Ici, personne n’en parlait vraiment. »
Il s’associe alors avec un ami pour créer un circuit court de distribution de produits frais entre fermiers et consommateurs, comme on en trouve en France. « Nous avons rapidement compris que nous allions droit dans le mur, car, au Québec, les distances sont trop grandes, confie-t-il. Dans la foulée, un fermier nous a glissé qu’il nous refilerait gratuitement ses surplus de tomates si nous voulions en faire quelque chose. Ce fut une révélation. »
Les deux associés ont alors téléphoné à tous les fermiers de la Montérégie. Soixante-dix à 80 appels par jour ont confirmé leur intuition : tous subissaient de grandes pertes. Toutefois, bon nombre d’entre eux les percevaient un peu comme des extraterrestres : qui voudrait acheter des carottes ou des poivrons difformes?
En mai 2015, le jeune Français obtient son diplôme et lance son entreprise. Deux minimarchés organisés rapidement sur le Plateau Mont-Royal remportent un succès éclatant. « Les trois premières années ont cependant été très difficiles, souligne-t-il. Sans investisseur externe, nous faisions tout nous-mêmes : achats, emballage, développement du réseau de distribution, technologie… » Il y a deux ans, Thibaut Martelain a racheté les parts de son associé. Puis, la pandémie est arrivée.
« Le chiffre d’affaires de SecondLife a triplé en quelques semaines et nous avons gagné deux bonnes années sur nos projections, déclare-t-il. Avec la COVID-19, le consommateur s’est habitué à acheter en ligne. »
Aujourd’hui, SecondLife emploie 30 personnes et vient d’emménager dans un entrepôt à Saint-Léonard.
Nous avons changé des dépenses en revenus pour des fermiers, des distributeurs et des grossistes en fruits et légumes, ajoute-t-il. Nous avons prouvé que lutter contre le gaspillage alimentaire est lucratif. Nous avons surtout démenti l’a priori selon lequel si c’est du social, ça prend absolument des subventions pour réussir, et prouvé qu’on peut faire du bien à la société tout en faisant des affaires.
À l’École, j’ai réalisé que je voulais faire de l’entrepreneuriat, et c’est surtout grâce à la Fondation HEC Montréal que j’ai pu démarrer mon entreprise, puisqu’elle m’a remis à la fin de mes études deux bourses qui m’ont permis de développer ce projet de légumes moches qui pouvait, à l’époque, sembler un peu loufoque.