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Dette du gouvernement du Québec : la province s’enlise

11 mars 2015

Dans une étude analysant la problématique de la dette du gouvernement du Québec, des chercheurs du Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) de HEC Montréal montrent que la récurrence des déficits budgétaires crée une importante spirale d’endettement qui a des conséquences particulièrement nocives sur les finances publiques de la province.  « Au Québec, ce n’est pas tant l’ampleur de la dette du gouvernement qui est en cause, même s'il y a matière à s’inquiéter, mais le contexte dans lequel la dette est contractée », affirme Robert Gagné, professeur titulaire au Département d’économie appliquée et directeur du CPP.

« Au-delà du débat entourant la question des concepts utilisés pour évaluer la dette, on doit comprendre que le véritable problème est celui des déficits budgétaires. Depuis le début des années 70, le gouvernement du Québec multiplie les déficits, ce qui entraîne une persistance non désirée de l’endettement. Le résultat final est tel que la " bonne dette" du gouvernement – celle contractée pour financer ses investissements – se transforme peu à peu en dette de consommation », assure Robert Gagné, coauteur de l’étude. Cette situation est d’autant plus préoccupante depuis la mise en veille de la Loi sur l’équilibre budgétaire en 2008.

 

Ampleur et impact de la dette

Sans grande surprise, l’étude montre que la dette du gouvernement du Québec est systématiquement plus élevée que celle des autres provinces canadiennes, peu importe le concept utilisé. Et lorsqu’on la compare à celle de 31 pays membres de l’OCDE, on constate que seuls neuf pays affichent une dette plus importante. Sans pour autant s’en alarmer, force est de constater que bon nombre de ces pays – Grèce, Italie, Portugal, Espagne, Japon – font face à d’importants problèmes économiques.

Autre constat : l’endettement important du gouvernement du Québec est un phénomène relativement récent. Au début des années 70, la dette brute représentait seulement 10 % du PIB de la province alors qu’aujourd’hui, elle s’évalue à plus de 50 %. Si des réformes comptables expliquent en partie cette hausse, l’analyse révèle que le poids de la dette avait pratiquement quadruplé avant même que les réformes ne viennent modifier le traitement comptable de la dette à la fin des années 90.

Pour ces raisons, l’endettement du gouvernement demeure aujourd’hui un enjeu préoccupant. Étant donné l’importance de sa dette, l’État québécois consacre chaque année une part considérable de son budget en paiement d’intérêts, ce qui empiète sur les sommes qu’il devrait normalement consentir au financement de ses missions.

 

La loi sur l’équilibre budgétaire : un rouage essentiel

Au cours de la période où elle a été pleinement en vigueur, la Loi sur l’équilibre budgétaire a permis au gouvernement du Québec d’instaurer une certaine rigueur budgétaire. Résultat : le poids de la dette a diminué en continu dans les années 2000, une première en plus de 30 ans.

Malheureusement, le gouvernement a suspendu en 2009 l’application des articles de la loi qui l’empêchaient de réaliser des déficits budgétaires. Résultat : tous les indicateurs de la dette sont repartis à la hausse dès que le gouvernement a mis de côté ce mécanisme de contrôle budgétaire. Depuis, le gouvernement multiplie les déficits et le poids de la dette s’est de nouveau accru. La situation actuelle n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle qui prévalait à la fin des années 90, une période qui a mené à l’adoption de la première version de la Loi sur l’équilibre budgétaire.

 

Quelques recommandations

À la lumière de cette analyse, un constat s’impose : « L’atteinte de l’équilibre budgétaire doit demeurer un enjeu prioritaire pour le gouvernement du Québec, soutient Robert Gagné. Surtout qu’au cours des prochaines années, ce gouvernement prévoit investir 90 milliards $ dans les infrastructures de la province, des investissements qui seront en grande partie financés par la dette. En plus d’accélérer le rythme de croissance de l’endettement du gouvernement, ces investissements augmenteront considérablement la charge budgétaire d’amortissement et le service de la dette, soit les intérêts payés sur la dette du gouvernement. La pression sur les finances publiques ne cessera donc de s’accroître et l’atteinte de l’équilibre deviendra encore plus difficile. Le gouvernement du Québec devrait donc dès maintenant mettre en place une stratégie efficace et réfléchie afin de maintenir l’équilibre budgétaire sur plusieurs années. Pour ce faire, il doit fixer des objectifs clairs et surtout, les respecter ».

« Pour éviter que le problème de l’endettement ne s’accroisse davantage, le gouvernement du Québec devrait remettre en application la Loi sur l’équilibre budgétaire tout en y apportant certaines modifications, recommande Robert Gagné. Tout d’abord, cette loi devrait être plus stricte dans son application en interdisant au gouvernement de réaliser des déficits budgétaires et ce, même s’ils sont inférieurs à 1 milliard $. En contrepartie, la loi devrait donner plus de flexibilité au gouvernement pour absorber les déficits encourus lors de perturbations économiques. Rappelons que selon les termes actuels de la loi, l’État québécois doit rembourser ses déficits dans une période maximale de cinq ans. Le gouvernement doit donc faire preuve d’une rigueur exceptionnelle en sortie de crise économique alors que le contexte ne s’y prête généralement pas. Enfin, pour que les efforts de réduction de la dette ne soient plus à nouveau anéantis dans le futur, le gouvernement ne devrait plus pouvoir suspendre en partie ou en totalité la Loi sur l’équilibre budgétaire sans l’appui d’un large consensus, par exemple, en obtenant les deux tiers des voix à l’Assemblée nationale.»

Pour en savoir plus, consultez le rapport L’heure juste sur la dette du gouvernement du Québec.