La recherche de Jean-François Cordeau propulse Téo Taxi
26 mai 2017
Issu de l’univers des technologies de l’information, l’homme d’affaires Alexandre Taillefer mise aujourd’hui une fois de plus sur leur incroyable potentiel pour révolutionner un univers des plus conventionnels : l’industrie du taxi. Des chercheurs de HEC Montréal travaillent actuellement sur une application basée sur le traitement des données massives (big data) qui permettra à son entreprise Téo Taxi de desservir plus de clients avec les mêmes effectifs.
Ce projet de recherche incarne bien le type d’initiatives soutenues par IVADO, l’Institut de valorisation des données, qui propulse Montréal au rang de leader mondial de l’exploitation des données massives.
Le professeur-chercheur Jean-François Cordeau, titulaire de la Chaire en logistique et en transport à HEC Montréal, et Charly Robinson La Rocca, étudiant à la maîtrise, nous expliquent ici en quoi consistent exactement leurs travaux.
Rappelons d’abord que Téo Taxi est le premier service de taxis entièrement électriques au Canada. L’entreprise possède actuellement une flotte de 135 voitures qui doivent s’approvisionner à neuf stations de recharge réparties sur l’île de Montréal. Contrairement aux entreprises de taxis conventionnelles, les automobiles appartiennent à Téo Taxi et les chauffeurs sont salariés. En tout temps, c’est l’entreprise qui détermine quel chauffeur répondra à quel client. Bien qu’il soit possible de héler un taxi Téo sur la rue, la plupart des clients passent par une application mobile. Toutes les requêtes effectuées par cette application sont donc systématiquement acheminées à un système de répartition automatisé et c’est là que le savoir-faire des deux chercheurs entre en œuvre pour en améliorer les performances.
« Nos travaux consistent à développer des outils d’aide à la décision (algorithmes) pour améliorer la gestion de la flotte et offrir ainsi un meilleur service aux clients, précise Jean-François Cordeau. En temps réel, une foule de données portant sur l’état de la flotte doivent être traitées par le système: déplacement des voitures, nouvelles requêtes, congestion routière, disponibilités des chauffeurs, etc., ce qui constitue un nombre impressionnant d’informations avec lesquelles on peut stratégiquement jongler pour améliorer la prise de décisions. »
Plus spécifiquement, l’étudiant Charly Robinson La Rocca a travaillé sur trois principaux problèmes :
1- La répartition – il a développé un simulateur pour déterminer, de la façon la plus performante, quel chauffeur sera affecté à quelle requête. Le système dispose alors d’une foule de variables (localisation des voitures, disponibilité des chauffeurs, distance à parcourir, congestion routière, etc.) avec lesquelles il compose pour effectuer le meilleur choix selon des règles préétablies. Ainsi, lorsqu’une requête arrive, on peut l’affecter au chauffeur libre le plus près du client, mais on peut aussi explorer s’il ne serait pas plus avantageux de l’assigner à un chauffeur qui s’apprête à déposer un client à proximité du nouveau demandeur.
« Le fait de pouvoir anticiper l’état du système pour affecter des voitures qui sont occupées est très innovateur, soutient Jean-François Cordeau. Dans l’industrie du taxi, il n’y a actuellement pas d’entreprise qui non seulement dispose de cette information, mais qui est en mesure de l’exploiter ainsi. En matière de performance, ce système d’aide à la décision est à ce point puissant que les données peuvent être rafraîchies toutes les cinq secondes, ce qui permet une véritable gestion en temps réel.» Le but ultime : répondre à un maximum de demandes dans les meilleurs délais. L’entreprise augmente ainsi ses revenus et le client est plus satisfait.
2- L’autonomie des voitures – Comme il s’agit de voitures électriques, l’entreprise doit aussi s’assurer qu’elles ne se retrouvent pas avec une charge trop faible dans un moment de grande affluence. L’application développée permet donc de suivre en temps réel la charge des voitures, et de lui appliquer certaines règles de décision qui tiennent à la fois compte de la proximité et la disponibilité des bornes de recharge, ainsi que des périodes creuses pour effectuer le plein. Encore là, l’entreprise peut ainsi tirer un maximum de sa flotte et optimiser ses performances. Cette gestion plus efficace lui évite non seulement les pertes de temps, mais lui permet aussi de mieux répondre à la demande lorsqu’elle s’accroît.
3- La relocalisation des voitures – Les chauffeurs de taxi d’entreprises conventionnelles se localisent eux-mêmes en tentant de flairer la demande selon leur expérience (P. ex.: la fin d’un match de hockey ou d’un spectacle). Les modèles développés permettront de positionner plus stratégiquement leurs voitures en les rapprochant des endroits où la demande est susceptible de s’accroître au cours des prochaines minutes/heures afin d’avoir la meilleure couverture possible.
Comme ces décisions comportent une foule de données à prendre en considération, il est impossible pour un humain d’avoir un portrait global de la situation et de prendre les meilleures décisions. Ces systèmes tiennent compte de l’ensemble des variables à considérer d’où leur incroyable efficacité.
« Éventuellement, nous comptons adapter les algorithmes actuels afin de les affecter à d’autres tâches. Par exemple, créer des systèmes de décision qui permettraient de gérer de nouveaux services tels que le partage de taxis. À titre d’exemple, un client pourrait réduire ses frais de déplacement en partageant la course avec une autre personne (ridesharing).»
On pourrait aussi utiliser le simulateur pour prendre d’autres décisions plus stratégiques telles que le positionnement et la capacité des bornes. Actuellement, ces décisions sont prises de façon intuitive, mais divers scénarios pourraient être testés pour en arriver à la meilleure solution.
Loin de se limiter à l’industrie du taxi, les avancées réalisées dans cette recherche pourraient également servir à d’autres industries comme la gestion de flotte de voitures autonomes.