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Communautés d’innovation : savoir se réinventer

Wikipédia, cette encyclopédie en ligne notoire qu’alimentent des millions d’utilisateurs dispersés partout sur le globe, est le premier exemple qui vient à l’esprit des gens quand on leur demande ce qu’est une communauté d’innovation. Mais l’actualité associée à la pandémie de COVID-19 leur offre aussi des exemples très près de nous. Ces entreprises qui s’offrent pour fabriquer des masques ou des respirateurs alors qu’elles ne sont pas directement issues du secteur de la santé illustrent des phénomènes étudiés par ces professeurs : l’ouverture de l’innovation et la contribution d’acteurs externes.

Communautés d'innovation : savoir se réinventer


Si la démocratisation du web est à l’origine de l’explosion des communautés d’innovation, l’esprit dans lequel celles-ci s’articulent autour des organisations ne date pas d’hier et agit comme un véritable accélérateur de l’innovation.

Règle générale, les plus grands utilisateurs d’un produit ou d’un service sont ceux qui le connaissent dans le menu détail, sous tous ses angles; parfois mieux encore que les personnes qui l’ont conçu. Ces fervents adeptes se trouvent donc aux premières loges pour en constater également les lacunes. Quand ils se rassemblent et que, de leurs échanges, émergent des idées nouvelles, des pistes d’amélioration ou encore des solutions renouvelées ou visionnaires — en dialogue avec l’organisation innovante —, on a là une communauté d’innovation.

Patrick Cohendet et Laurent Simon, professeurs titulaires à HEC Montréal, s’intéressent de près à cette tendance forte qui s’installe dans l’écosystème des entreprises. Le premier est spécialisé en affaires internationales et le second est rattaché au Département d’entrepreneuriat et innovation de la réputée école de commerce. Avec leurs collègues, ils étudient l’incidence grandissante des communautés d’innovation sur les organisations de tous les horizons.

De la croustille à l’avancée médicale

À cet égard, les exemples foisonnent. Les deux professeurs-chercheurs peuvent en énumérer une multitude à brûle-pourpoint. Entre autres : des géants de la techno qui organisent des marathons de programmation (communément appelés « hackathons »). Des musées qui incitent les visiteurs à repenser entièrement l’expérience muséale. Une célèbre marque de croustilles qui, chaque année, donne carte blanche aux consommateurs pour créer les saveurs les plus éclatées, lesquelles se retrouvent ensuite sur les rayons. Des villes qui étudient des enjeux d’importance, comme la mobilité ou l’urbanisme, main dans la main avec des comités citoyens. Des milieux médicaux et hospitaliers qui bénéficient concrètement de la mise en commun des informations colligées par des patients, des soignants ou des entrepreneurs externes.

« C’est dans cet esprit collaboratif, au tournant des années 90, que des parents d’enfants atteints de myopathie — une maladie orpheline dont le milieu médical connaissait très peu de choses — ont commencé à s’échanger par télécopieur des informations sur les symptômes observés et l’effet des remèdes sur leurs enfants », relate Patrick Cohendet. « Cette communauté de parents a largement contribué à l’avancement de la science en ce qui a trait à la maladie, qui a maintenant son propre téléthon et l’une des fondations philanthropiques les plus importantes dans le milieu. »

Tout à gagner… des deux côtés

Le principal constat que dresse l’équipe de travail est sans équivoque : la créativité des communautés qui se forment autour d’une passion commune s’avère une source d’innovation puissante pour les entreprises et les organisations… lorsque ces dernières tendent l’oreille, bien sûr. En contrepartie, qu’est-ce qui motive une personne à s’investir, de sa propre initiative, dans le processus d’innovation d’une organisation ?

« Certaines marques, par exemple Microsoft, ont des programmes qui vont récompenser les utilisateurs ayant rendu possibles des avancées significatives », explique Laurent Simon. « Pour les communautés, l’intérêt réside aussi dans la relation de coconception et de cocréation qui s’instaure, et dans le sentiment qu’elles ont de contribuer à une œuvre collective qui les intéresse et qui a du sens pour elles. »

Certes, ces pratiques innovantes s’inscrivent en rupture avec les modèles de management traditionnels. On assiste là à une transformation majeure. Il faut repenser la théorie de la firme, soutiennent les chercheurs de HEC Montréal, dans la perspective où des contributions utiles et génératrices de valeur peuvent surgir d’au-delà de ses frontières formelles. Il faut repenser le rôle des ressources humaines dans une entreprise, afin de mobiliser et d’engager les employés pouvant eux-mêmes former une communauté génératrice d’innovation. Il faut revoir la façon dont on forme les gestionnaires de demain : comme des orchestrateurs de communautés.

Parce que, selon Patrick Cohendet et Laurent Simon, aujourd’hui, les dirigeants n’ont plus le choix : ils doivent impérativement écouter les idées qui émanent de ces communautés s’ils aspirent à ce que leur organisation dure dans le temps.

Pôle Mosaïc