Entrepreneuriat : du Québec « inc. » au Québec « incl. »
« D’un Québec inc. à un Québec inclusif. » L’expression est de Luis Cisneros, professeur titulaire à HEC Montréal et codirecteur de la Base entrepreneuriale, une structure consacrée à l’accompagnement entrepreneurial au sein de la réputée école de commerce. Luis Cisneros connaît donc bien les écueils que rencontrent les entrepreneurs issus de l’immigration, tout comme Muriel C. Koucoï, d’ailleurs.
À la croisée de deux perspectives
Muriel C. Koucoï a tout d’une battante. Biologiste médicale de formation, elle a fondé en 2015 SIMKHA, une gamme de cosmétiques naturels inspirée des recettes que sa mère confectionnait au Bénin, son pays natal. Bien que ces « petits pots » à base de produits sains gagnent des adeptes ici comme à l’étranger, l’entrepreneure peine à trouver le financement nécessaire pour propulser réellement son entreprise. Toutefois, son passage à l’incubateur EntrePrism pourrait changer la donne.
EntrePrism s’inscrit dans l’éventail de programmes prestigieux offerts par la Base entrepreneuriale de HEC Montréal. Il vise à accompagner des entrepreneurs dans le démarrage ou la croissance de leur entreprise, tout en favorisant l’inclusion des entrepreneurs immigrants ou issus des communautés culturelles. « La force ici, c’est la synergie entre le savoir universitaire, l’accompagnement concret par des experts dans une foule de domaines et les témoignages d’entrepreneurs chevronnés », soutient le professeur Cisneros.
Un parcours semé d’embûches
Selon l’Indice entrepreneurial québécois, une étude à laquelle collabore Luis Cisneros, l’intention entrepreneuriale chez les nouveaux arrivants est très élevée : en 2018, elle était deux fois plus forte chez les Québécois issus de l’immigration que chez les natifs (39,8 % contre 16,1 %). « Ce n’est pas si étonnant, explique Luis Cisneros. Les personnes immigrantes ont déjà fait la preuve de leur détermination et pris des risques en s’établissant dans un pays qui leur est étranger, avec peu de soutien et en y bâtissant quelque chose souvent à partir de rien. »
Pourtant, l’écosystème entrepreneurial québécois demeure en très grande partie hermétique à ces bâtisseurs. Par exemple, la vaste majorité des programmes d’accompagnement ou de soutien financier et des services destinés aux futurs entrepreneurs exigent la citoyenneté ou la résidence permanente. En voie d’obtenir un tel statut, ou détenteurs d’un visa de travail ou d’étudiant, les nouveaux arrivants sont donc écartés d’emblée.
« L’accessibilité au financement reste le plus grand défi, confirme Muriel C. Koucoï. En plus, dans mon cas, j’ai une double tare : je suis une immigrante et une femme ! » Luis Cisneros abonde dans le même sens : les femmes sont largement minoritaires dans les programmes de soutien à l’entrepreneuriat, et plus particulièrement dans ceux qui sont très spécialisés. Comptant 65 % de participantes dans ses cohortes, EntrePrism peut se targuer d’être l’un des incubateurs canadiens qui intègrent le plus de femmes.
Un milieu inclusif, des modèles diversifiés
Néanmoins, tout n’est pas que sombre dans ce tableau. Luis Cisneros applaudit entre autres l’absence de hiérarchie rigide dans le milieu des affaires du Québec ainsi que la grande ouverture des chefs d’entreprise à l’égard de la relève. « L’écosystème entrepreneurial québécois a encore du chemin à parcourir en matière d’inclusion, et la relance économique devrait nous permettre de le rebâtir de façon plus inclusive, dit-il. Mais nous pouvons tout de même être fiers de ce que cet écosystème a permis d’accomplir jusqu’ici. »
À brûle-pourpoint, le professeur cite plusieurs jeunes entreprises mises sur pied par de nouveaux arrivants qui ont connu une croissance fulgurante dans les dernières années, mentionnant par exemple Potloc, Dataperformers, Airudi ou EdLive. « Imaginez là où ils en seraient s’ils avaient eu du soutien! » lance-t-il. D’origine mexicaine, et ayant lui-même choisi le Québec comme terre d’accueil, celui qui se qualifie à la blague de « cactus à l’érable » souhaiterait voir plus de diversité dans les histoires à succès du Québec inc.
De son côté, Muriel C. Koucoï continue de travailler d’arrache-pied pour faire de SIMKHA un incontournable dans le domaine des cosmétiques naturels. Elle repart de l’incubateur EntrePrism avec un modèle d’affaires plus performant, un prêt d’honneur et la chance de profiter, pendant un certain temps, de l’aide de stagiaires pour faire croître son entreprise. Surtout, elle s’est bâti un précieux réseau d’entrepreneurs et de partenaires potentiels dans cet écosystème.
L’entrepreneure continuera de tisser ce réseau de contacts alors qu’elle franchit le prochain jalon de son parcours en intégrant, ces jours-ci, la plus récente cohorte de l’Accélérateur Banque Nationale – HEC Montréal.
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