Les technologies de l’information pour faire face aux grands défis urbains
Devant les enjeux de mobilité, d’urbanisme et même d’administration, les villes qui se démarquent sont celles qui possèdent une infrastructure numérique de pointe. Pour Ryad Titah, professeur à HEC Montréal, une chose est claire : lorsqu’une ville se montre performante sur le plan numérique, elle lance aux investisseurs et aux talents de ce monde le signal qu’elle est efficiente… et prête à les accueillir.
En compagnie de ses étudiants, Ryad Titah s’intéresse à la façon dont les villes dites numériques tirent leur épingle du jeu – ou, plus précisément, à la façon dont elles tirent mieux leur épingle du jeu que d’autres. L’équipe de chercheurs s’efforce de comprendre comment les technologies de l’information permettent aux cités d’être plus performantes. Elle examine dans le menu détail les multiples facteurs qui sont à l’œuvre dans l’écosystème des villes numériques. Ses recherches empiriques permettent de constater que l’adoption des technologies par les villes fait progresser ces dernières, ce qui, en retour, fait grimper leur attractivité auprès des entreprises, des investisseurs et des travailleurs qualifiés.
Au bout du compte, c’est la qualité de vie des citoyens — dont les citoyens corporatifs — qui s’en voit améliorée.
Les villes : pôles d’échanges économiques
Ryad Titah est professeur au Département de technologies de l’information de HEC Montréal depuis 2010. Son expertise gravite autour des questions qui touchent au gouvernement électronique et aux villes numériques. « Avant même de me pencher sur les villes numériques, j’ai développé, au fil de mon parcours, un intérêt pour les villes comme pôles ou centres des échanges économiques et sociaux, explique-t-il. Il faut penser que 50 % de la population mondiale habite dans les villes. »
Au-delà du numérique, l’intelligence
Un citoyen peut généralement se procurer un permis de construction au moyen d’un formulaire qu’il trouvera en ligne. Il peut acquitter ses taxes municipales sur Internet et faire de même pour une contravention de stationnement, en plus d’y inscrire son enfant à une activité de loisir, d’assister virtuellement aux conseils municipaux ou de consulter l’horaire de la collecte des ordures, entre autres exemples. Dans le même esprit, le citoyen corporatif a accès aux appels d’offres directement sur le web et a parfois même la possibilité d’y déposer un dossier de soumission.
Bien qu’elles aient emboîté le pas à des rythmes différents, la plupart des villes se sont dotées d’infrastructures numériques qui les rendent plus efficientes, selon Ryad Titah. Or, au-delà de ces moyens administratifs et transactionnels de faciliter les choses, les administrations qui se démarquent à ce chapitre l’ont fait en adoptant des pratiques réellement innovantes; des solutions vivantes, évolutives et misant sur la participation citoyenne.
Le professeur cite en exemple Tallinn, capitale de l’Estonie. « Ils sont parvenus, dans cette ville, à rendre disponibles en ligne 99 % de leurs services », précise Ryad Titah. Pionnière en ce qui a trait à l’adoption du numérique, cette ville a été le berceau d’incubateurs technologiques, ce qui lui a valu le surnom de Silicon Valley de l’Europe. Plus près d’ici, le Portail données ouvertes Montréal veille à « libérer » les données collectées par la Ville afin qu’elles soient consultées, réutilisées ou mises à profit, et ce, même à des fins commerciales.
À l’initiative de citoyens ou d’entreprises, la disponibilité de ces données massives (big data en anglais) a donné naissance à quelques-unes des applications préférées de la population montréalaise. « Je pense à Metroexit, qui permet de repérer la station de métro la plus proche; à INFO-Neige, qui annonce les opérations de déneigement à venir; à Branché, qui répertorie les arbres sur tout le territoire de Montréal… », énumère le professeur de HEC Montréal. « Dans certains cas, ces applications sont créées et alimentées par des citoyens, pour les citoyens », ajoute-t-il.
Les données et la vie privée
Si la ville numérique améliore la qualité de vie de ses occupants, elle soulève néanmoins des questionnements quant à la protection de leur vie privée. La souveraineté numérique face aux tiers qui collectent ou hébergent les données reste un pan indissociable de la question, selon Ryad Titah, et c’est dans cette direction que tend la réflexion sur l’adoption des technologies par les gouvernements. Le débat qui se cristallise à ce sujet sur le continent européen promet bien de se transporter de ce côté-ci de l’océan…